1966-1980

 

1966 – 1970

 

Toujours en 1966, Jijé dessinera treize planches mettant en scène des vedettes de l’O.R.T.F. (la télévision publique française). La série « O Virginie » sera publiée de février à avril 1966 dans l’hebdomadaire Télé 7 Jours. La série est interrompue en raison probablement des caricatures trop prononcées de personnalités bien en vue. Durant ce même printemps de 1966, Albert Uderzo (né en 1927), le dessinateur d’Astérix et des aventures de Tanguy et Laverdure informe le scénariste de cette dernière série, Jean-Michel Charlier, qu’il souhaite s’arrêter pour se concentrer uniquement sur les aventures du petit Gaulois. Charlier prend contact avec Joseph pour lui demander s’il ne connaîtrait pas un dessinateur susceptible de reprendre la série. Gillain lui propose de la dessiner lui-même. La première aventure, « Mission Spéciale » (publiée dans Pilote d’octobre 1966 à mai 1967), voit Uderzo passer le flambeau à Jijé. Il participe aux seize premières planches avant de laisser Jijé seul dès la dix-septième. Ce dernier, dans un premier temps, va copier Uderzo pour les deux premières histoires avant de transformer la physionomie de ses personnages en profitant du lancement de la série télévisée « Les Chevaliers du Ciel » mettant en scène Michel Tanguy et Ernest Laverdure sous les traits de Jacques Santi et Christian Marin, série télévisée qui comprendra 39 épisodes diffusés à partir d’octobre 1967.

Dans la foulée de « Mission Spéciale », Jijé entame « Les Anges Noirs » publiée dans Pilote de mai à octobre 1967. Pendant ce temps, il assume également un intérim pour Victor Hubinon, malade, dans la série « Barbe Rouge », scénarisée par Jean-Michel Charlier. Il réalisera les planches 18 à 26 du « Pirate sans Visage » publiées dans Pilote de mars à mai 1967. Ne laissant aucun répit à Tanguy et Laverdure, Jijé et Charlier emmènent les deux pilotes dans le Pacifique puis au Moyen-Orient. « Destination Pacifique » sera publiée dans Pilote de novembre 1967 à avril 1968, suivie par « Menace de Mort sur Tahiti », dans Pilote d’avril à octobre 1968. Ce dernier récit sera publié en album sous le titre « Menace sur Mururoa » chez Dargaud en 1969. « Lieutenant Double Bang » est publié dans Pilote de décembre 1968 à mai 1969, suivi de « Baroud sur le Désert » publié de juillet à décembre 1969. Infatigable, Jean-Michel Charlier fournit encore à Jijé des scénarii pour des récits complets de seize planches. Ils seront publiés dans un trimestriel édité par Dargaud, le Pilote Pocket.

C’est ainsi que du n° 1 du 13 juin 1968 au n° 9 du 5 octobre 1970, le duo de pilotes français vivra encore neuf aventures dessinées par Jijé. Il faut également mentionner un roman de Jean-Michel Charlier, « L’Avion qui tuait ses Pilotes », publié dans la collection La Bibliothèque Verte en 1971, dont Jijé réalise la couverture ainsi qu’une quarantaine d’illustrations. Les aviateurs vont vivre une histoire très noire dans « Les Vampires attaquent la Nuit », publiée dans Pilote de mars à août 1970, histoire qui connaîtra son dénouement dans « La Terreur vient du Ciel », parue dans Pilote de décembre 1970 à juin 1971. Joseph devenu très populaire avec cette série sera sollicité par l’Armée de l’air française pour illustrer leur calendrier des années 1969, 1970 et 1973.

Entre-temps, Gillain est approché par une agence qui travaille pour le compte du chanteur Johnny Halliday (né en 1943). Jijé dessine « Hud le Spécialiste », western qui sera publié dans l’hebdomadaire Johnny du 6 avril (n° 1) au 4 mai 1970 (n° 5) et dans le n° 6 du 1er juillet 1970. À cette date, Jijé arrête sa collaboration. Cette publication, d’ailleurs, cessera de paraître peu de temps après. Cette histoire était inspirée du film « Le Spécialiste » (1970), du réalisateur italien Sergio Corbucci, dont Johnny était la vedette principale.

1971 – 1974

En 1971, Jijé reçoit une commande du journal La Voix du Nord basé à Lille. Il s’agit d’illustrer des énigmes policières qui paraîtront dans les pages jeux du journal durant l’été. « Les enquêtes du Commissaire Major » seront scénarisées par Jean-Paul Rouland et Claude Olivier. La page de jeux sera éditée sous la supervision de Pierre Bellemare (né en 1929), animateur et producteur de nombreuses émissions radiophoniques et télévisées en France. Dans un premier temps, Jijé va dessiner 14 planches publiées entre le 15 juillet et le 14 août 1971, à raison d’une énigme tous les deux jours, la solution se trouvant dans le journal du lendemain.
En 1972, on demande à Joseph de continuer la série, qui sera à nouveau publiée dans le cadre des jeux d’été. Cela donne 14 nouvelles planches publiées entre le 14 juillet et le 13 août 1972. Au vu du succès de ces énigmes, le journal propose aux concepteurs de continuer la série hors saison pour un rythme hebdomadaire. Jijé réalise 37 planches, publiées entre le 27 octobre 1972 et le 13 juillet 1973. La collaboration avec le journal s’arrête là, la série étant remplacée par « Les enquêtes du Commissaire Bourel » illustrées par un autre dessinateur.

Durant cette époque, la production dessinée de Jijé est légèrement inférieure à celle de la décennie précédente, car il est fréquemment sollicité en tous lieux. On assiste à l’essor du phénomène des séances de dédicaces, organisées par les éditeurs sur des points de vente ou dans des salons spécialisés. Joseph Gillain va également produire plusieurs illustrations publicitaires ou des courts récits vantant des produits divers (Manpower, Solo, Kodak, Gilette). Il illustrera également quelques gags dans Pilote dont « French Connection » en mars 1972, « Qu’est devenu Spassky » (3 planches) en octobre 1972, « Les Rois de la pédale » (4 planches) le même mois et « Le téléphone rouge » en novembre 1972. Jijé va également réaliser plus de 250 dessins pour « Apprendre l’anglais par la bande dessinée » (éd. Marabout 1972) écrit par Félix Packnadel. Peu à peu, les aventures des Chevaliers du Ciel sont mises en veilleuse, car l’hebdomadaire Pilote devient mensuel, Jean-Michel Charlier prenant d’ailleurs ses distances avec la publication en devenant directeur littéraire chez Dargaud et trop occupé à réaliser une série de reportages pour la télévision (dont « Les Dossiers Noirs » et « Les Grandes Enquêtes »).

Pendant ce temps, Joseph Gillain n’arrête pas de voyager. Sa fille Dominique s’étant établie dans le Connecticut aux États-Unis en 1970, Joseph et Annie iront fréquemment lui rendre visite. L’éditeur Dargaud organise également un voyage avec tous les auteurs de Pilote au Canada en 1972, où il fait la connaissance de Benoît Patar, qui devient son ami. L’année suivante, Jijé se rend au Nouveau-Mexique, pour assister au tournage de certaines scènes du film « My Name is Nobody » réalisé par Tonino Valerii et Sergio Leone (ce dernier n’étant pas crédité pour la réalisation mais présent durant tout le tournage en tant que producteur exécutif). L’idée venait de Georges Dargaud qui souhaitait faire une nouvelle collection de bandes dessinées basées sur de grands westerns. Cependant, devant la gourmandise financière de Sergio Leone, le projet est mis en veilleuse par l’éditeur. Jijé aura quand même le temps de réaliser une dizaine de planches inédites. Cet événement aura permis à Joseph de renouer contact avec Charles Dupuis, qui le convainc de reprendre le collier dans Spirou avec un nouvel épisode de Jerry Spring, « L’Or de personne », publié du 6 juin au 7 novembre 1974.

1975 – 1980

Malgré son éloignement affairiste, Jean-Michel Charlier fournit encore à Jijé un scénario de Tanguy et Laverdure. Ce sera « Un DC8 a disparu », publié en octobre et novembre 1973, dans Tintin l’Hebdoptimiste (tentative pour créer un Tintin français édité par Dargaud de janvier 1973 à septembre 1975). En 1974, Charlier quitte définitivement Dargaud, et devient, l’année suivante, directeur de la rédaction de la version française de Tintin (Edi-Monde puis Le Lombard France), publication à laquelle il collaborera durant deux ans. En 1977, un éditeur allemand lui propose de lancer un périodique bd pour toute l’Europe, Super As. Charlier devient directeur de cet hebdomadaire à la vie relativement courte (février 1979 à octobre 1980). Il fournit quelques scénarii à Jijé qui recommence, dans Super As, les histoires de Tanguy et Laverdure, « La Mystérieuse Escadre Delta » étant publiée de février à avril 1979. L’hebdomadaire reprend également les courtes histoires de Tanguy et Laverdure publiées dans Pilote Pocket. Joseph dessinera également les vingt premières planches de « Opération Tonnerre », dont l’histoire ne sera pas prépubliée suite à la disparition de son auteur. Ce récit sera terminé par Patrick Serres qui dessinera encore les deux épisodes suivants.

L’autre collaboration de Charlier et Jijé dans Super As concerne la série « Barbe Rouge ». Suite au décès de Victor Hubinon le 8 janvier 1979, le scénariste va se tourner vers Jijé pour continuer la série. « Raid sur la Corne d’Or » sera publié de février à avril 1979, suivi par « L’île des Vaisseaux perdus » en octobre et novembre 1979. Jijé entamera le récit de l’épisode suivant « Les disparus du Faucon Noir », dont il dessinera les huit premières planches, qui seront les dernières de sa très productive carrière. L’histoire sera reprise par Gaty (Christian Catignol né en 1925) qui l’animera encore sur plusieurs épisodes.

 

Durant les dernières années de sa vie, Jijé adoptera un style caricatural qu’on retrouvera dans Spirou à plusieurs reprises. Tout d’abord dans Le Trombone Illustré, génial supplément encarté dans Spirou, animé par son rédacteur Yvan Delporte. Jijé mettra en scène le mexicain Pancho dans six gags d’une planche, sous le nom de « Que Barbaridad ! », planches publiées de juin à septembre 1977. Joseph fournira également deux planches d’un album collectif de la série Boule et Bill créée par Jean Roba (né en 1930). Jijé participera à « Bill a disparu » en dessinant les planches quatre et cinq, succédant ainsi à Roba pour la première et Franquin pour les deux suivantes. Cette histoire sera publiée dans Spirou n°2173 du 6 décembre 1979.

Jijé dessinera encore deux épisodes de Jerry Spring dans Spirou, « La Fille du Canyon », de mars à août 1976, et « Le Grand Calumet », de juin à octobre 1977. Ces deux histoires inaugureront une nouvelle collection Jerry Spring chez Dupuis qui rééditera progressivement les anciens albums. « Le Grand Calumet » met en scène un baron suisse, Klaus von Rischönstein, qui n’est autre que le sosie de Claude de Ribaupierre (Derib né en 1944) créateur de la série « Buddy Longway » et ami de Jijé. Jijé mettra une dernière fois ses héros en scène dans une caricature publiée dans un Tintin spécial Western du 1er avril 1979, sous le titre « Le Baron von Richonstein chez les Empa-Pahutés ».

Quelques mois plus tard, Jijé proposera un scénario complet de Lucky Luke à Morris, mais ce dernier ne le retient pas. Jijé avait encore comme projet de réaliser une biographie de Jeanne d’Arc, scénarisée par Benoît Patar. Il souhaitait également s’installer définitivement au Connecticut. Mais ce sera à proximité de son jardin de Champrosay, qu’il aura peint à de nombreuses reprises, qu’il vivra ses derniers jours. Il s’éteint à Versailles, des suites d’une longue maladie, le jeudi 19 juin 1980.

En 1975, Jijé est couronné du prix Saint-Michel pour l’ensemble de sa carrière et, en 1977, il reçoit le prestigieux Grand Prix de la ville d’Angoulême, le plaçant dans le cercle très fermé des auteurs belges primés dans la ville française (Franquin en 1975, Morris en 1993 et Schuiten en 2002).

 

 

 

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